Le 21 décembre 2025 marquera le centenaire de la disparition de Jules Méline. À cette occasion, les Archives départementales des Vosges mettent en lumière le parcours de cet acteur majeur de la Troisième République. Céline Cadieu-Dumont, la directrice des Archives, retrace le destin d’un homme profondément enraciné dans son département. Il y est resté fidèle tout au long d’une carrière politique exceptionnelle.
Un Vosgien, une Figure Nationale
Né à Remiremont en 1838, Jules Méline a d’abord exercé comme avocat. Il entre en politique au lendemain de la chute du Second Empire, le 4 septembre 1870. Rapidement, il retrouve ses terres vosgiennes : il est élu conseiller général du canton de Corcieux en 1871. Puis, il devient député des Vosges un an plus tard. Enfin, il occupera un siège de sénateur jusqu’à sa mort.
Son engagement local est constant. Méline fut vice-président du Conseil général en 1883, aux côtés de Jules Ferry. Ensuite, il en devient président en 1893, une fonction qu’il exercera jusqu’en 1907.
Républicain modéré, il accède à des responsabilités nationales de premier plan. Il devient ministre de l’Agriculture sous Jules Ferry. Après cela, il est nommé président du Conseil (l’équivalent de Premier ministre) de 1896 à 1898. Son gouvernement développe des mesures sociales novatrices : sécurité des ouvriers, accidents du travail et mutualité. De plus, il prône l’apaisement entre républicains et catholiques.
Méline est surtout connu pour son orientation protectionniste. Cette politique est marquée par le fameux Tarif Méline de 1892. Il visait à protéger l’agriculture et l’industrie françaises de la concurrence étrangère. Aussi, il est l’un des pères du Crédit agricole, grâce aux lois de 1894 et 1899. Ces textes ont facilité l’accès au financement pour les exploitants.
L’Artisan d’une République Rurale, Éducative et Sociale
Dans les Vosges, il s’impose dès 1871 comme une voix influente du Conseil général. Jules Méline défend la rigueur budgétaire, l’équilibre territorial et la modernisation du monde rural.
Ses positions annoncent ses engagements futurs : régulation des foires, soutien aux petites communes et taxation équitable des produits agricoles.
Partisan convaincu de l’instruction publique, il soutient les réformes de Jules Ferry. En effet, il défend l’école obligatoire et réclame des moyens pour les écoles normales, les bibliothèques scolaires et l’enseignement professionnel.
Sur le plan social, il milite pour le développement des bureaux de charité, des hospices et pour la réinsertion des plus démunis.
Élu député en 1876, puis secrétaire d’État à la Justice, Méline confirme son ancrage républicain lors de la crise du 16 mai 1877. Finalement, il est appelé en 1883 au ministère de l’Agriculture.
Une République au Service de la Terre
Face à la crise agricole des années 1880, Méline devient l’un des défenseurs les plus résolus du monde rural. À ce titre, il instaure des droits de douane sur les céréales et le bétail étrangers. Ces mesures sont les prémices des futurs tarifs de 1892.
Dans les Vosges, il multiplie les initiatives concrètes : soutien à l’école pratique d’agriculture de Saulxures-sur-Moselotte, promotion des laboratoires agricoles et encouragement des formations pour les jeunes filles investies dans la production laitière.
Son action s’étend à l’instruction, à l’économie départementale et aux questions sociales. Par exemple, il développe des fermes-refuges pour lutter contre la mendicité. De plus, il soutient les conférences populaires et défend l’université régionale de Nancy.
Méline incarne alors une République modérée, attachée à la terre, favorable au progrès mais respectueuse des traditions.
Un Chef de Gouvernement Influent
Jules Méline est resté à la tête du Conseil général des Vosges pendant treize ans. Il fut souvent élu à l’unanimité. Il gouverne avec méthode et pragmatisme.
Homme austère mais efficace, il rejette les divisions partisanes et privilégie l’intérêt général.
Sa politique agricole se renforce : soutien aux syndicats agricoles, organisation des achats groupés d’engrais, défense des écoles agricoles et des chambres d’agriculture. Son rôle dans la création du Crédit agricole demeure l’une de ses contributions majeures.
Chef du gouvernement à partir de 1896, il conduit une politique d’équilibre : dégrèvement de l’impôt foncier, mesures sociales, refus des alliances extrêmes. Néanmoins, il doit affronter l’affaire Dreyfus et un climat politique tendu.
En 1907, il quitte la présidence du Conseil général. Il laisse l’image d’un républicain solide, enraciné et fidèle à ses convictions.
Les Dernières Années d’un Visionnaire Agrairien
Sénateur réélu en 1909 et 1920, Méline reste une voix écoutée jusqu’à la fin de sa vie.
En pleine Première Guerre mondiale, on le rappelle à la tête du ministère de l’Agriculture, près de trente ans après son premier mandat.
Parallèlement, il théorise sa vision économique dans ses ouvrages : Retour à la terre (1905) et Le salut par la terre (1919). Il plaidait pour une France rurale forte et pour un protectionnisme au service de la souveraineté nationale.
Très lié au monde industriel vosgien, notamment à la filière cotonnière, il fonde en 1901 le Syndicat général de l’industrie cotonnière française. Il défend une alliance entre agriculture et industrie sous le nom de « travail national ».
Jules Méline s’éteint en 1925. Il laisse l’image d’un républicain agrairien, défenseur infatigable de la terre et artisan d’un protectionnisme qui a marqué durablement la politique économique française.




